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Fédération à missions : Rugby Club Romanais Péageois aux multiples facettes

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Depuis sa création en 1949, le Rugby Club Romanais Péageois a pour habitude de mener de nombreuses actions sociales. Que ce soit avec des enfants atteints de handicap, des jeunes de quartiers sensibles, des femmes atteintes du cancer du sein ou des personnes incarcérées, l’objectif des membres du club est simple  : créer du lien social grâce aux valeurs du sport et du rugby.

Comme chaque vendredi depuis maintenant cinq ans, le Rugby Club Romanais Péageois (RCRP) s’apprête à recevoir une dizaine d’adolescents ou jeunes adultes de l’IME (institut médico-éducatif) de Saint-Uze, dans la Drôme. Après un bon coup de tondeuse sur la pelouse bien verte du stade Donnadieu, un membre du club prépare le terrain quelques minutes avant la venue des jeunes sportifs. Des ateliers sont mis en place afin que ces derniers puissent s’échauffer et continuer de se familiariser avec le ballon ovale.

Après quelques minutes d’attente, ils arrivent, en tenue de sport. Aucun ne porte de maillot de rugby, c’est même plutôt le football qui prédomine sur leurs épaules. À la vue des différents exercices qui leur sont proposés, les jeunes Drômois esquissent tous un sourire. Christophe Pineto, leur accompagnateur et le préparateur du club, leur explique la séance du jour  : échauffement avec des plots suivi d’une petite partie de touch rugby (rugby sans plaquage ni mêlée).

Très vite, les joueurs courent à vive allure, rient aux éclats, dans l’herbe fraîchement coupée. Des lycéens de l’établissement voisin courent autour du terrain, sans doute pour préparer leur épreuve de sport du encore lointain baccalauréat. Aucun ne se doute que nos jeunes rugbymen sont atteints de déficience mentale, légère et moyenne, comme l’explique Christophe Pineto  : « Certains jeunes ont des troubles neurodéveloppementaux. Des troubles associés à l’autisme, à l’attention, comme des TDAH (troubles de l’attention avec hyperactivité), mais aussi différentes pathologies, comme parfois la trisomie. »

Certains pourraient penser que la pratique du rugby pour ces jeunes serait une limite ; ce n’est certainement pas le cas, au contraire  : « Il n’y a aucune difficulté à les faire participer aux sports en équipe,note l’accompagnateur du RCRP. C’est même une obligation légale de leur faire pratiquer une activité physique, comme dans tous les autres collèges ou lycées. » Et à en croire la bonne ambiance de cette séance, ils en redemandent, toujours avec un avis médical préalable.

Créer un lien social grâce au sport et limiter l’isolement

L’encadrant précise toutefois  : « Certains de nos jeunes ne peuvent pas faire de sport parce qu’ils ont des pathologies cardiaques. Mais on a aussi des exemples avec nous comme Titouan qui est déficient visuel et qui participe aux séances. Il est donc possible de pratiquer du sport même en situation de handicap et d’y prendre plaisir. Tout se passe comme au collège ou au lycée, en passant par des médecins traitants. Nous en avons même un à l’IME. »

Cette action sociale permet de créer un lien social grâce au sport et de limiter l’isolement. « C’est l’objectif, assure Christophe, qui a proposé la pratique du touch rugby au club drômois. Ce sport demande un réel jeu d’équipe, il a ce côté fédérateur et de cohésion entre eux. Et c’est ça que je cherchais. Qui plus est avec les valeurs du rugby, qui sont parfaites pour accompagner nos jeunes. Nous, on joue avec eux, que ce soit sur ou en dehors du terrain. »

Le RCRP va plus loin. Depuis 2021, il organise, au printemps, le tournoi des IME. L’année dernière, il y avait pas moins de 10 établissements répartis en 12 équipes avec près de 85 jeunes. « J’ai participé l’année dernière et c’était top, se réjouit Simon Fahi, 16 ans et pensionnaire à l’IME de Sainte-Uze. On s’entraîne tous les vendredis jusqu’au tournoi, j’ai déjà hâte d’y être ! »

Ce tournoi permet aux jeunes atteints de handicap de se retrouver, de pratiquer du sport et, d’une certaine manière, d’aborder ensemble le handicap. L’événement a gagné petit à petit en notoriété. Lors de la première édition en 2021, une trentaine de jeunes de quatre IME de la région se réunissaient sur le rectangle vert. En 2026, le club espère près d’une centaine de joueurs. Un projet qui prend de l’ampleur grâce à Alain, le fils du créateur du club, Louis Toporel, et à Emmanuel Best, ancien rugbyman au Valence Romans Drôme Rugby.

Tristan Tardy, président du club, se réjouit :« C’est notre plus grande fierté, le tournoi grandit petit à petit et c’est génial. L’année dernière, on a invité quelques joueurs du Valence Romans Drôme Rugby (le club est en Pro D2, ndlr) pour passer la matinée avec les enfants. L’un d’entre eux est revenu, parce qu’il a adoré partager ces moments avec eux. Les gamins étaient très contents de voir et d’échanger avec un professionnel ! » Pour le RCRP, ce tournoi est devenu un rendez-vous incontournable, symbole de son engagement social et de son ouverture au plus grand nombre. L’édition 2025 a ainsi confirmé que le rugby peut être un formidable vecteur d’intégration et d’épanouissement.

Dans l’ombre de son voisin professionnel, le RCRP propose une vaste palette d’actions sociales. L’architecte en est Alain Toporel, à l’origine de toutes ces initiatives depuis plus de dix ans. Le club rhônalpin, qui dispose d’une école de rugby de plus de 130 jeunes joueurs, œuvre aussi avec le service pénitentiaire de la ville de Valence. Le doyen du club explique  : « On accueille des personnes incarcérées, qui ont des heures de TIG (travaux d’intérêt général, ndlr) à effectuer. Ce sont souvent des personnes ayant un problème d’addiction. Ils nous aident à faire la lessive des maillots, à tenir la buvette. »

La diversité se traduit aussi avec le ballon, tantôt ovale, tantôt rond, comme en témoigne l’opposition organisée par le RCRP et réunissant des footballeurs et des rugbymen sur le même terrain. La vingtaine de joueurs présents (10 du foot, 10 du rugby) se sont affrontés avec un ballon ovale, puis avec un ballon rond.

Prévention et lutte contre les violences

Ce type de rencontre est l’occasion d’effectuer un travail de prévention et de lutte contre les violences dans le milieu du rugby. « Alain a mené énormément d’actions, souligne Tristan Tardy, le président. C’est à mon tour de prendre le flambeau. C’est comme pour le tournoi. Lisa et Léa, qui sont deux encadrantes, vont prendre le relais et organiser cette nouvelle édition. Le club a toujours été animé par les actions sociales qu’il entreprend, c’est aussi notre ADN. »

Un ADN qui remonte aux années 1990 ; le RCRP se mobilisait déjà pour mettre en place différentes actions sociales, notamment grâce à Louis Toporel, le père d’Alain. « Louis conduisait sa vieille 104, faisait le tour du quartier, raconte le président du club. Il prenait 5-6 gamins et les amenait au club pour les faire jouer au rugby, les faire sortir de leur horizon et leur transmettre les valeurs du sport. Il y a des adolescents qui ont passé plusieurs années au club grâce à Louis. Il venait les chercher au pied des immeubles. Cette action a perduré et a très bien fonctionné pendant des années. »

Bien sûr, on ne peut évoquer le Rugby Club Romanais Péageois sans rappeler le terrible drame de Crépol, qui a coûté la vie en novembre 2023 à Thomas Perotto, jeune licencié du club. Cet événement tragique a marqué profondément le RCRP et toute la communauté du rugby amateur, frappant en plein cœur un club qui s’est toujours construit sur des valeurs humaines et sportives.

Structuré, dynamique, le RCRP s’est depuis longtemps engagé dans le développement local du sport, l’éducation et l’inclusion. Lui qui défend avec constance des principes de solidarité, de cohésion et de respect est mis à l’épreuve sur ses propres fondations mais, loin de céder, les dirigeants, éducateurs et bénévoles du club ont choisi de continuer à avancer, comme le souligne le président. « On veut juste créer des gens bien, des jeunes qui deviennent de bons citoyens, qui gardent de bons souvenirs grâce au sport. On continuera nos actions, quoi qu’il arrive. Moi, je me sens redevable de l’héritage Toporel. »

Derrière ces mots, c’est une philosophie claire  : le rugby est bien plus qu’un jeu, il est un outil de formation, de lien social et de transmission. Le club drômois ne renonce pas à incarner cette double identité, à la fois familiale et citoyenne. Fidèle à ses racines, il s’engage à défendre ses convictions et reste un acteur qui fait bouger les choses dans son territoire. Confronté à l’épreuve la plus dure, le RCRP continue de porter haut le message que le rugby peut être, avant tout, un vecteur de vie et d’entraide.

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La Rédaction

18/11/2025