
J’ai choisi le rugby : Les Hauts-de-France et le Rugby, un coup de foudre évident
La région des Hauts-de-France n’est pas une terre historique de rugby, et ce malgré sa proximité géographique avec l’Angleterre, berceau de ce sport collectif. Mais la pratique de ce sport est en plein essor, comme en témoigne le bond de 22 % du nombre de licenciés sur la dernière mandature de quatre ans (il y a actuellement 12 170 licenciés dans les Hauts-de-France). Cette croissance exponentielle s’explique notamment par le nombre important de terres vierges à conquérir dans les cinq départements que compte la région.
Fatalement, la situation ne peut que s’améliorer dans des zones où la pratique était encore inexistante il y a quelques années. Même dans le département du Nord, qui compte 43 % de la population et près de 50 % des licenciés des Hauts-de-France. Il faut préciser que les principales structures se trouvent dans les grandes villes, ce qui laisse pas mal de latitude aux clubs de campagne pour se développer. Nomain Rugby Pévèle Carembault et le Rugby Club des Weppes, situé à Fromelles, se situent ainsi dans des zones à conquérir.
Alexandre Pietrowski, responsable de l’école de rugby à Nomain, a son avis sur la question : « Nous sommes entre deux zones, deux grands pôles de population. Il y a d’un côté la métropole lilloise qui dispose de beaucoup de clubs et d’un autre côté Valenciennes où c’est également le cas. Dans la Pévèle, il n’y avait pas un club qui proposait du rugby, il y avait beaucoup de football. C’était une zone blanche et il y avait une volonté du Comité départemental de répondre à la forte demande de rugby au sein de cette zone. »

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Le rugby doit d’abord être attractif
Ces deux clubs périurbains proposent donc une alternative intéressante aux primo-licenciés sur le plan géographique. Jérôme Gilbert, le président du Rugby Club des Weppes, le sait : « Nous nous trouvons à une vingtaine de kilomètres de Lille, mais c’est déjà trop loin pour les parents qui veulent faire découvrir le rugby à leurs enfants. D’autant que le temps de parcours peut considérablement s’allonger aux heures de pointe. »
Michèle Fergloute, vice-présidente en charge de l’école de rugby à Fromelles, sait que sur le plan sportif, les clubs de campagne s’inscrivent également dans une filière très différente des grosses structures implantées dans la métropole lilloise. « Nous n’apportons pas la même chose que les gros clubs qui ont des objectifs de réussite, des objectifs un peu plus ambitieux,résume-t-elle. Alors que notre but, c’est plutôt de faire découvrir le rugby. »
Pour elle, le résultat des matches ne doit pas être un enjeu : « C’est parfois difficile de faire comprendre que cela importe peu. L’important c’est la pratique, les enfants jouent à quelques kilomètres de chez eux, ça leur permet d’avoir une première initiation au rugby avant, pourquoi pas, de s’engager un peu plus et sans appréhension vers des gros clubs. » Afin de réussir à conquérir des territoires inoccupés, le rugby doit d’abord être attractif. Les récentes performances de l’équipe de France captent également l’attention des foyers nordistes.
Le coup d’arrêt subi en 2015 par l’histoire d’amour naissante entre le ballon ovale et le Nord, lorsque Lille a échoué aux portes du professionnalisme en se voyant refuser, pour des raisons financières, l’accession à la Pro D2 obtenue sur le terrain, n’est plus qu’un lointain souvenir. Les grands matches organisés au stade Pierre-Mauroy (demi-finales du Top 14, test-matches du XV France, matches du Tournoi des 6 Nations et matches de la Coupe du monde 2023) ont permis à la région des Hauts-de-France d’être associée à l’engouement pour le ballon ovale.
David, papa de Léandre, licencié en M10 au Rugby Club des Weppes, aimait déjà le rugby au travers des médias : « C’est un sport que j’apprécie et que j’aime regarder à la télévision », révèle-t-il. La moitié du travail est donc déjà effectuée par les principaux acteurs de la discipline dans l’optique d’attirer de nouveaux licenciés. Les clubs s’impliquent ensuite pour réaliser la seconde moitié.
Les interventions dans les écoles et les collèges aux alentours sont un levier, comme le détaille l’éducateur nomainois Alexandre Pietrowski :« Nous sommes présents dans le monde scolaire, mais pas seulement. Nous avons également participé à une présentation de toutes les associations à l’Arena d’Orchies. Nous communiquons aussi beaucoup sur les réseaux sociaux. Facebook, par exemple, nous amène beaucoup de monde. » Une différence notable dont la région doit tenir compte : la venue au rugby par le biais de la pratique familiale est beaucoup plus rare que dans le Sud-Ouest, même si elle existe ; il faut donc activer les autres leviers.
Deux licenciés en baby rugby à Fromelles sont, par exemple, des enfants de pratiquants du rugby à XV. Et plus les contingents de rugbymen en herbe grossissent, plus ils sont amenés à s’accroître encore. « Avec le bouche-à-oreille, naturellement, ça prend », confie la vice-présidente des Weppes, Michèle Fergloute. Les clubs modestes se créent d’abord autour d’une belle histoire d’amitié. « Notre devise, c’est ensemble. À chaque fois, les enfants vont se retrouver ensemble. »
Nola Gilbert, responsable de la section baby rugby à Fromelles,renchérit : « C’est vraiment notre devise d’être toujours avec les copains, que ce soit sur ou en dehors du terrain. Je trouve que ce sport véhicule de belles valeurs. J’ai, par le passé, pratiqué un sport collectif, le football, dans lequel, personnellement, je ne me suis pas retrouvé », se remémore David, le papa de Léandre. Les vertus de l’Ovalie ont donc traversé les frontières régionales pour s’installer au nord de Paris.
À propos des vertus, justement, le président Jérôme Gilbert veut rester vigilant : « C’est bien d’évoquer les valeurs du rugby, mais le plus important c’est de les mettre en application concrètement. Je n’ai jamais hésité à rembourser une licence lorsqu’un adhérent ou le parent d’un adhérent n’était pas en phase avec ces valeurs, peu importe si cela faisait baisser le nombre de nos licenciés. Il ne faut jamais oublier que l’adversaire est un partenaire de jeu et non un ennemi. »

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Des valeurs communes entre les gens du Nord et le rugby
L’inclusion fait également partie des valeurs prônées par le rugby. « Le milieu du handicap me touche énormément, notamment car ma femme y travaille,constate Florian Keirle, président de Nomain Rugby. Cela nous tient à cœur d’intégrer des enfants porteurs de handicap en ayant une discussion en amont avec les parents pour anticiper un peu la façon dont nous allons gérer tout cela. Nous avons également accueilli un enfant qui a un TDAH (trouble déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité) et nous ne comprenions pas pourquoi il était très perturbateur. Sa maman nous a expliqué et nous avons fait un deal entre nous afin que l’enfant s’éclate au rugby mais ne se fasse pas remarquer à l’école. Tout s’est très bien passé et il attendait avec impatience de reprendre le rugby au mois de septembre pour nous raconter ses vacances. »
Les qualités développées le ballon ovale en main sont très présentes dans les Hauts-de-France, ce qui facilite forcément son implantation. C’est bien connu, les gens du Nord sont reconnus pour leur chaleur humaine.« Et c’est ce que je ressens dans le rugby et plus particulièrement à Nomain. Je ne fais pas ça pour la gloire mais parce que c’est une fantastique aventure humaine », décrit Alexandre Pietrowski. « Nous avons naturellement les valeurs du rugby en nous », ajoute Michèle Fergloute.
La mise en place de la catégorie baby rugby lors de la saison 2020-2021 a eu un gros impact sur l’attractivité des clubs. « Il n’y a pas beaucoup de sports qui prennent les enfants dès l’âge de trois ans, expose Nola Gilbert. En général, ils prennent à partir de 6 ans. L’entrée en maternelle, l’entrée au sport, ça aide les petits à avoir plein de copains. C’est une catégorie très demandée. »
Dans cette optique, les créneaux d’entraînement ont été fixés afin de permettre aux parents d’amener leurs enfants au stade. « Dans mes critères, un élément essentiel en tant que parent, c’est de pouvoir être sûr que je puisse amener mon fils au sport,avance le papa de Léandre. Et du fait des contraintes de mon métier, je voulais absolument un sport qui soit praticable le samedi en général afin d’être sûr que mon fils soit toujours présent. »
Une fois les jeunes enfants initiés, charge aux clubs de transformer l’essai afin de fidéliser des nouveaux pratiquants. « Nous avons des groupes en M10 et M12 très fidèles,dévoile Alexandre Pietrowski. Mais nous n’avons pas encore assez de recul sur les sections plus jeunes, qui viennent de s’ouvrir, pour tirer des conclusions à ce sujet. »
Veiller à une pratique sereine en toute sécurité apporte quelques garanties aux clubs dans l’optique de conserver leurs jeunes pousses. « Au départ, c’est très ludique,révèle Michèle Fergloute. Et ensuite ils entrent dans le rugby qui peut faire un peu peur à certains parents. Ils craignent que leur enfant se fasse mal, nous le voyons à la manière dont ils sont équipés le premier jour. Alors que quand nous les prenons vraiment tout petits, comme ça se fait progressivement, finalement, ça adhère très bien. Nous ne sommes pas dans la compétition, nous sommes surtout dans la bienveillance, l’esprit d’équipe. »

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Les Hauts-de-France, nouveau bastion de l’Ovalie
Le rugby dispose donc d’énormément d’atouts pour entrer dans la vie sportive, comme l’explique Hélène, maman d’accueil de Léa qui pratique le baby rugby à Nomain : « C’est un bon moyen de cumuler plusieurs éveils. Il y a la psychomotricité, le respect, la cohésion et le fait de travailler et de s’amuser en équipe, de respecter les consignes. Donc, je trouve qu’à 4 ans, c’est plutôt pas mal. Je pense que c’est un bon mix. »
Le ballon ovale s’ouvre également à des parents qui ne se seraient jamais crus capables de le pratiquer. Jérôme Gilbert : « Nous prônons énormément le rugby loisir et le rugby à cinq. Des parents venaient nous voir sur les forums d’associations en nous disant : “J’ai toujours voulu faire du rugby et je veux inscrire mes gamins.” La première chose que je leur disais c’est qu’aujourd’hui, avec la multiplicité des pratiques proposées par la FFR, le rugby est accessible à tous. Notamment par la pratique du rugby à 5, car il n’y a pas ce qui pourrait rebuter certains, à savoir les contacts, les plaquages, la technique et les mêlées. »
Cet engouement pour le rugby loisir se constate également à Nomain. « Le cheminement s’effectue dans le sens inverse en fait,rapporte Alexandre Pietrowski. Ce sont les parents qui sont venus au rugby par le biais de leurs enfants pour devenir éducateurs ou pour pratiquer le rugby à 5. » Le rugby est désormais accessible à tous, sur ces terres historiques comme sur les terres fraîchement conquises. Et c’est pour cela qu’il est en passe de faire des Hauts-de-France une nouvelle terre de l’Ovalie.
